L'évaluation des SCPI sous surveillance

Jean-Jacques Legendre, 17 octobre 2023

Au Royaume-Uni, l'autorité de régulation financière, la Financial Conduct Authority (FCA), s'inquiète de plus en plus de l'état du marché des actifs privés, comprenant notamment l'immobilier et le Private Equity. Cette inquiétude grandissante pousse la FCA à lancer une étude approfondie sur la manière dont ces actifs privés sont évalués. 

L'objectif est de déterminer si les risques de surévaluation pourraient éventuellement impacter les banques et les fonds de pension, deux piliers centraux du système financier britannique.

La montée en flèche des taux d'intérêt ces derniers mois a eu un impact significatif sur les marchés boursiers et les prix des obligations. Cela a inévitablement entraîné une baisse de la valorisation des portefeuilles traditionnels. De manière mécanique, cela a accru la part des actifs privés non cotés au sein des allocations financières.

Mais où réside le problème, direz-vous ? Eh bien, cette augmentation de la proportion des actifs privés est en train de devenir une véritable épine dans le pied des fonds de pension britanniques, lesquels sont désormais confrontés à une surexposition à des actifs souvent difficiles à liquider en cas d'urgence. La valeur des actifs des fonds de pension à prestations définies en Angleterre est estimée à environ 1 500 milliards de livres sterling, et elle a connu une chute notable en 2022 et 2023.

Pourtant, les valorisations des marchés privés sont demeurées stables sur la même période. Cela a créé une situation où les fonds de pension dépassent les limites imposées aux « actifs illiquides » qu'ils sont censés détenir, selon certains consultants.

Le problème essentiel réside dans l'évaluation de ces actifs privés. De nombreux actifs privés, notamment l'immobilier, ne peuvent être évalués avec précision qu'au moment de leur vente réelle. Dans un contexte où les transactions se font rares et que les taux d'intérêt grimpent, l'évaluation de ces actifs devient un véritable casse-tête. Certaines entreprises font appel à des sociétés externes pour estimer la valeur de leurs actifs, tandis que d'autres utilisent des évaluateurs internes qui se penchent sur le prix de vente d'actifs comparables pour effectuer leurs estimations.

Face à cette situation, certains fonds de pension britanniques semblent ne pas attendre les estimations réglementaires et se sont lancés dans la vente d'actifs privés, souvent à prix réduit, pour réduire leur surexposition.

En France, les préoccupations liées à la valorisation des actifs privés, en particulier les SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier), sont également à l'ordre du jour. L'AMF (Autorité des Marchés Financiers) a publié un rapport pour cartographier les risques liés aux placements immobiliers et demande des rapports d'expertise pour évaluer la valeur de vente des biens immobiliers.

Le triple effet ciseaux, résultant de la concurrence pour les rendements à la suite de la hausse des taux, du besoin de rééquilibrer les allocations en faveur de l'obligataire, et de la nécessité de revoir à la baisse la valorisation des portefeuilles immobiliers en crise, est au cœur de ces préoccupations.

Ainsi, les régulateurs, tout comme les investisseurs, sont de plus en plus attentifs à la manière dont ces actifs privés sont évalués, cherchant à éviter les risques de surévaluation et de liquidité. Reste à voir comment cette situation va évoluer et si des mesures réglementaires plus strictes seront mises en place pour garantir une évaluation précise de ces actifs dans un environnement économique changeant.


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