La Réserve fédérale américaine (Fed) est sous le feu des critiques et des pressions des marchés financiers, qui craignent une récession imminente.
Les chiffres de l’emploi pour le mois de juillet, publiés le vendredi 2 août, ont exacerbé les inquiétudes selon lesquelles la Fed serait en retard dans l’ajustement de sa politique monétaire. Les bourses mondiales sont en chute libre, reflétant une peur grandissante que la Fed ait trop tardé à abaisser les taux d’intérêt.
L'attente risque donc d'être longue avant le symposium annuel de Jackson Hole, le rendez-vous incontournable de la fin de l'été pour les banques centrales, qui donnera à Jerome Powell la possibilité de s'exprimer sur la politique monétaire de la Fed. Encore plus que l'an passé, cette grand-messe va être au centre de l'attention du monde de la finance.
Un risque de récession ?
Chaque déflagration commence par une étincelle. Celle-ci a été allumée vendredi par la publication des derniers chiffres de l'emploi aux États-Unis. Bien que ces chiffres ne soient pas catastrophiques, ils sont préoccupants pour une économie habituée au plein emploi. Le taux de chômage a augmenté de deux dixièmes pour atteindre 4,3 % en juillet, son plus haut niveau depuis presque trois ans. Seulement 114 000 emplois ont été créés, bien en dessous des 175 000 attendus, et les chiffres des mois précédents ont été révisés à la baisse.
Ce rapport a déclenché des signaux de récession, aggravant les craintes que la Fed ait manqué une opportunité cruciale pour prévenir un ralentissement économique plus sévère. En clair, le ralentissement du marché du travail se matérialise désormais avec plus de clarté et la Fed a une fois de plus été trop lente à agir.
Dans une note intitulée « L'atterrissage en douceur est remis en question alors que le marché du travail se fissure », les experts de Capital Economics estiment que le net ralentissement de l'emploi et la forte hausse du chômage rendent inévitable une baisse des taux en septembre et renforcent la spéculation sur une réduction de 50 points de base, voire sur un vote entre deux réunions.
L’analyste Stephen Brown, chez Pepperstone, souligne que l'indicateur de récession appelé « règle de Sahm » a été déclenché. Cette règle, identifiée par l'économiste Claudia Sahm, avance que l’économie est en récession si la moyenne mobile sur trois mois du taux de chômage augmente d’au moins un demi-point de pourcentage par rapport à son niveau le plus bas des 12 derniers mois.
De nombreux économistes estiment que la Fed a commis une erreur en ne réduisant pas les taux plus tôt. Mark Zandi de Moody's affirme que la Fed aurait dû agir plusieurs mois auparavant et préconise désormais une baisse d’un demi-point en septembre pour tenter de prévenir une récession. Goldman Sachs a relevé la probabilité d’une récession en 2024 de 15 % à 25 %, tout en soulignant que l’économie américaine reste globalement solide et que la Fed dispose de marges de manœuvre pour ajuster sa politique.
La réaction des marchés financiers
Les marchés financiers ont vivement réagi. Le rendement des obligations du Trésor à deux ans, sensible à la politique monétaire, est tombé sous les 4 % pour la première fois depuis plus d’un an. Les marchés asiatiques, notamment le Nikkei au Japon, ont également plongé, avec une baisse historique de 12 %, sa pire journée depuis le « lundi noir » de 1987.
Au moment où nous écrivons cet article, le CAC 40 plonge de plus de 2,5 %, portant sa baisse à -6,5 % en tout juste trois séances, plaçant d’ores et déjà cette séquence d’août 2024 dans le Top 10 des plus grosses contre-performances pour le deuxième mois de l’été.
Les marchés américains s’apprêtent eux aussi à perdre beaucoup de terrain (-4,5 % pour le Nasdaq et -1,8 % pour le S&P500), après une séance déjà bien rouge vendredi. La chute pourrait se poursuivre si les marchés restent convaincus que la Fed a commis une lourde erreur sur le plan monétaire et ne rassure pas rapidement les marchés en clarifiant sa position.
Les investisseurs et les analystes attendent donc avec impatience le symposium de Jackson Hole (22-24 août) et plus encore la prochaine réunion de la Fed en septembre, où ils espèrent voir des actions concrètes.
Les prochains indicateurs économiques, notamment l’indice de l’activité des services de l’Institute for Supply Management (ISM), seront scrutés de près.
Conclusion
L'économie américaine, étonnamment résiliente après la hausse des taux sans précédent, entamée en 2022 par la Fed en raison de la hausse de l'inflation post-COVID, impose aujourd'hui à la Fed d'apporter une réponse rapide et efficace pour éviter un scénario de récession prolongée.
Les marchés financiers ont clairement exprimé leur inquiétude et leur impatience. La réponse de la Fed dans les prochaines semaines sera cruciale pour restaurer la confiance et stabiliser les marchés.
Nous avions annoncé dès le 9 juillet dans notre article "Les marchés américains sont-ils surévalués ?" qu'une correction des valeurs de la Big Tech était justifiée. Nous pensons aujourd'hui que les valorisations sur les marchés américains redeviennent intéressantes dans le scénario que nous privilégions, à savoir que la Fed n'aura d'autre choix que de cesser de procrastiner et d'engager rapidement cette politique de baisse des taux avant que la situation ne tourne au vinaigre.