L'économie européenne face à une pression croissante : les signaux d'une récession se multiplient
Jean-Jacques Legendre, 22 novembre 2024
Marchés financiers Europe Investissement
L’économie européenne, déjà fragilisée par une croissance anémique ces dernières années, semble entrer dans une période de turbulences économiques plus sévères. Alors que les investisseurs avaient initialement écarté les risques de récession pour 2024, les récentes données macroéconomiques, notamment celles publiées par S&P Global, peignent un tableau bien plus sombre.
Des signaux d'alerte en provenance des enquêtes PMI
L'activité du secteur privé en zone euro s'est contractée de manière inattendue en novembre 2024, selon l'enquête préliminaire publiée par S&P Global. L'indice composite des directeurs d'achat (PMI) HCOB a chuté à 48,1, son plus bas niveau depuis 10 mois. Ce chiffre, en dessous de la barre des 50 qui sépare croissance et contraction, déjoue les attentes des analystes qui prévoyaient un maintien à 50,0.
Le secteur manufacturier de la zone euro s'enfonce dans la récession et le secteur des services commence à éprouver des difficultés après deux mois de croissance très faible."
L'indice PMI manufacturier, déjà en territoire de contraction, a poursuivi sa chute en passant de 46,0 à 45,2, tandis que le sous-indice de la production a reculé à 45,1. Les services, jusqu’alors un moteur de la résistance économique, enregistrent eux aussi une contraction, l’indice PMI des services tombant à 49,2 en novembre, contre 51,6 en octobre.
L'économie allemande a progressé de seulement 0,1% au troisième trimestre 2024, révisant ainsi à la baisse l'estimation initiale. Bien que la croissance évite une récession technique, l'Allemagne reste en stagnation, avec des signes inquiétants pour l'avenir. Les dépenses de consommation ont soutenu la croissance, mais les exportations ont reculé de 1,9%. Sur un an, le PIB a chuté de 0,3%, et la consommation publique a augmenté, notamment grâce aux prestations sociales. Le pays souffre d'une crise industrielle et fait face à un hiver économique difficile, avec des défis tels que la pénurie de main-d'œuvre qualifiée et les coûts de l'énergie. Le gouvernement prévoit une contraction de 0,2% du PIB en 2024, ce qui pèse sur la popularité d'Olaf Scholz.
Une dynamique inquiétante
L’Europe, fortement dépendante des exportations et de l’industrie manufacturière, souffre des faiblesses d'un affaiblissement de la demande américaine et chinoise; cette dernière étant coincée dans le piège de liquidité, combiné à une crise persistante du secteur immobilier.
Sur le plan domestique, l'Europe est confrontée à des problèmes structurels croissants. La consommation des ménages s'affaiblit : la croissance des salaires réels a ralenti, tandis que les faillites augmentent dans des économies majeures comme la France, l'Allemagne et les Pays-Bas. L’investissement des entreprises en baisse : les intentions d’investissement signalent une contraction anticipée d'environ 10 % dans les 12 prochains mois.
La politique de Donald Trump pourrait compliquer davantage la situation économique en Europe, déjà fragilisée. Plusieurs mesures et positions adoptées ou soutenues par l'ancien président ont en effet des implications directes pour les économies européennes :
- Un protectionnisme exacerbé : Le retour de Trump qui s'est engagé à renforcer les barrières commerciales, avec une augmentation des tarifs douaniers ou des sanctions ciblées affecterait négativement les exportations européennes, notamment dans des secteurs stratégiques comme l'automobile, les biens industriels, et les produits de luxe.
- Une pression accrue sur l'OTAN et les relations transatlantiques : Trump a critiqué à plusieurs reprises les pays européens pour leurs contributions insuffisantes à l'OTAN. Une politique de désengagement militaire américain ou une pression accrue pour des investissements européens en défense pourrait détourner des ressources budgétaires essentielles, pesant sur l'économie déjà affaiblie de nombreux pays.
- L'inflation importée via l'énergie: Une énergie bon marché aux États-Unis renforcerait leur compétitivité industrielle face à l’Europe, où les coûts énergétiques restent plus élevés en raison des taxes et des engagements climatiques, exacerbant ainsi les déséquilibres commerciaux.
Quels Impacts sur les investisseurs ?
Depuis le début des années 2010, les actions américaines dominent nettement les marchés. Le S&P 500 a surpassé le CAC 40 de 10 % par an en moyenne, grâce à la croissance des valeurs technologiques et à une économie plus dynamique. Mais la situation actuelle est encore plus préoccupante : sur les 12 derniers mois, Wall Street a progressé de 30,4 %, tandis que le CAC 40 a reculé de 4 %, un écart inédit. L'Eurostoxx 50, bien que mieux loti avec une hausse de 9,2 %, reste loin derrière.
Cette sous-performance s’explique par l’absence de grandes valeurs technologiques en Europe. Alors que les géants américains comme Nvidia ou Apple dominent les profits et les investissements du S&P 500, le CAC 40 est porté par des entreprises traditionnelles, principalement du secteur du luxe. Ces dernières, dépendantes de la demande chinoise, souffrent d’un ralentissement de la consommation en Asie. De plus, les valeurs européennes n’ont pas profité de la récente hausse du dollar, un phénomène inhabituel qui aggrave leur retard.
La Banque centrale européenne (BCE) semble prête à réduire ses taux directeurs pour soutenir l’économie, mais l’histoire montre que ces mesures monétaires mettent du temps à porter leurs fruits. Lors des précédents cycles de baisse, il a fallu une réduction moyenne de 175 points de base avant de stabiliser la croissance.
Les actions européennes restent donc vulnérables malgré leur médiocre performance depuis 10 ans et le risque d’un marché baissier est réel.
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