Le décrochage de l'Europe vis-à-vis des Etats-Unis
Jean-Jacques Legendre, 17 juin 2024
Marchés financiers
Lors des récentes élections européennes, la question brûlante du décrochage économique entre l'Europe et les États-Unis a été ravivée, notamment par le discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne le 25 avril 2024.
Depuis deux décennies, l'écart de croissance entre les deux puissances économiques aurait dû sonner l'alarme auprès de nos dirigeants, tout comme l'écart abyssal de capitalisation entre les sociétés européennes et les "7 magnifiques" américaines, menées par Microsoft, Apple et Nvidia, dont la valeur individuelle dépasse les 3000 milliards de dollars.
Emmanuel Macron, lors de ce discours marquant, a souligné l'impératif d'investissements massifs dans les industries d'avenir pour éviter que l'Europe ne soit "fragilisée, voire reléguée" dans la prochaine décennie. Il a peint un tableau sombre de l'économie européenne, notant que le PIB par habitant de l'UE n'avait augmenté que de 30 % en trente ans, soit deux fois moins qu'aux États-Unis. Il a également critiqué les pratiques commerciales de Washington et de Pékin, les accusant de sur-subventionner leurs entreprises et de violer les règles du commerce international.
Face à cette menace croissante, Emmanuel Macron a appelé à une reprise économique urgente pour éviter que l'Europe ne soit distancée. Il a insisté sur la nécessité de réviser le modèle de croissance du continent, de renforcer les investissements pour stimuler la création d'emplois. "On ne peut durablement imposer les normes environnementales et sociales les plus strictes, investir moins que nos concurrents, et espérer continuer à créer des emplois. Cela n'est plus viable", a-t-il prévenu.
Pour défendre les intérêts économiques de l'Europe, Macron a plaidé en faveur d'une révision de la politique commerciale, insistant sur l'importance de la concurrence équitable et d'une protection accrue des intérêts européens, tout en évitant de surcharger ses producteurs tout en facilitant la levée des contraintes pour les autres.
Le président français a également plaidé en faveur d'une politique industrielle commune, cruciale pour la prospérité et l'aménagement du territoire européen. Il a proposé d'établir des objectifs de production sur le sol européen, d'investir massivement dans la formation et de consolider les acquis existants. Macron a identifié cinq secteurs stratégiques où l'Europe pourrait devenir leader mondial d'ici 2030 : l'intelligence artificielle, l'informatique quantique, l'espace, les biotechnologies et les nouvelles énergies.
Emmanuel Macron a martelé l'importance cruciale de la capacité d'investissement pour garantir ce pacte de prospérité. "Pardon de le dire ainsi : l'argent !", a-t-il souligné, insistant sur la nécessité de renforcer l'Europe dans divers secteurs stratégiques. Il a proposé de doubler la capacité budgétaire de l'Union européenne pour atteindre entre 650 et 1 000 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an.
En outre, Macron a plaidé en faveur de la réouverture du débat sur les ressources propres de l'Europe, telles que la taxe carbone aux frontières, la taxation des transactions financières et l'imposition des bénéfices des multinationales. Il a également appelé à une révision des règles de fonctionnement de la Banque centrale européenne pour intégrer des objectifs de croissance et de décarbonation.
Pour répondre à la concurrence américaine et asiatique, Emmanuel Macron a proposé de consacrer 3 % du PIB européen à la recherche et de simplifier les mécanismes d'investissement pour donner aux industriels une visibilité accrue. Il a appelé à faire de l'Europe un leader mondial d'ici 2030 dans les cinq secteurs stratégiques déjà mentionnés.
Cependant, malgré ces intentions louables, les résultats décevants des élections européennes en France, suivis de la dissolution inattendue de l'Assemblée nationale, illustrent la crise qui secoue le vieux continent, en proie au déclin. Cette réaction d'Emmanuel Macron, jugée imprudente par de nombreux observateurs, a plongé la France dans une période d'incertitude profonde. Paradoxalement, en exprimant son désir de redonner la parole au peuple tout en critiquant son choix d'accorder la victoire au RN lors des élections européennes, il a exacerbé les tensions politiques et sociales en France, allant même jusqu'à compromettre la crédibilité économique du pays.
La perspective d'une cohabitation entre un président aspirant à l'échec du gouvernement et un futur Premier ministre déterminé à démontrer la capacité du RN à gouverner pourrait plonger la France dans un blocage institutionnel, voire dans le chaos, avec l'éventualité d'un tout nouveau Front Populaire, coalition improbable de partis jusqu'ici irréconciliables. En conséquence, le moteur franco-allemand, déjà en forte régression, risque de s'arrêter complètement, portant ainsi préjudice à l'ensemble de l'Europe pour plusieurs années.
Et pour paraphraser Woody Allen "le déclin, c'est long, surtout à la fin".
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